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Le port de Mariel, atout clé de Cuba dans les Caraïbes

Vue aérienne du port de Mariel
Vue aérienne du port de Mariel

Construit par le brésilien Odebrecht, le port de Mariel et la zone spéciale qui y sera rattachée pourraient faire de Cuba un hub stratégique dans les Caraïbes. L’armateur français CMA-CGM y négocie l’implantation d’une importante base logistique.

A 45 km à l’ouest de La Havane, le gigantesque chantier du port de Mariel  illustre le tournant que Cuba est en train de négocier et le poids économique futur que l’île, délivrée à terme de l’embargo américain, pourrait prendre. Le nom de Mariel reste associé au souvenir de l’exode massif de quelque 125 000 Cubains, expulsés par le régime castriste en 1980, et qui ont fui à partir de ce port vers les côtes de Floride. Mais aujourd’hui, il symbolise l’ouverture économique _ certes mesurée_ à laquelle le PC cubain semble résolu.

L’atout stratégique du canal de Panama élargi…

Ce mégaport en eaux profondes et sa future zone franche devraient en effet constituer à court terme l’un des principaux hubs des Caraïbes, apte à concurrencer Kingston (Jamaique) et surtout Carthagène (Colombie). Il pourra accueillir les cargos Postpanamax venus d’Asie à destination des Etats-Unis, de l’Amérique latine, de l’Europe et de l’Afrique ; des navires capables de transporter jusqu’à 12 000 conteneurs et qui pourront emprunter le canal de Panama lorsque l’élargissement de ce dernier, désormais prévu en 2016, sera achevé.

… et de celui, virtuel, du Nicaragua ?

En ligne de mire également, même s’il est très hypothétique, le pharaonique projet de canal du Nicaragua, serpent de mer longtemps considéré comme délirant, mais qui a pris un peu de consistance avec le premier coup de pioche donné en décembre dernier à l’embouchure du fleuve Brito sur la côte Pacifique du Nicaragua. Ce, en présence du président Daniel Ortega et du  magnat chinois Wang Jing, patron du Hong Kong Nicaragua Development Investment (HKND) et propriétaire de la société de télécommunications Xinwei. Ce richissime homme d’affaires a prévu d’investir l’essentiel du coût estimé (50 milliards de dollars) dans ce projet de canal long de 280 km (plus de trois fois la longueur de celui de Panama),  qui devrait rejoindre Punta Gorda côté Caraïbes après avoir traversé l’immense lac de Cocibolca (voir carte ci-dessous). Sa construction devrait, selon ses promoteurs, durer 5 ans, employer 50000 salariés et permettre, affirme Daniel Ortega, de sortir son pays de la pauvreté. Mais la plus grande opacité règne encore , à l’heure actuelle, sur la faisabilité (et sur l’attribution) de ce canal interocéanique, qui présente par ailleurs des risques environnementaux évidents et suscite déjà la colère des populations potentiellement touchées.

source "Le Dessous des Cartes"

source « Le Dessous des Cartes » Arte

Cela dit, que ce canal voie le jour ou pas, le port de Mariel et son futur terminal de conteneurs (1 million par an traité à terme), est admirablement placé pour profiter du commerce maritime mondial surtout si, comme le rétablissement des relations diplomatiques avec Washington le laisse augurer, l’embargo est levé d’ici un à deux ans.

Le Brésil à la manoeuvre

Ce mégaport est le fruit des liens de plus en plus solides tissés entre La Havane et Brasilia. Il est en effet construit par le groupe brésilien Odebrecht grâce à un crédit du Brésil de 600 millions de dollars, soit la majorité du coût total de l’investissement. Pour Cuba, ce rapprochement avec la première économie latino-américaine est précieux, non seulement en raison des capitaux que celle-ci peut injecter mais aussi parce que son industrie diversifiée peut répondre aux immenses besoins des Cubains. D’autant que les deux gouvernements, certes politiquement très différents, ne sont pas antagonistes. De son côté, la présidente brésilienne Dilma Rousseff a déjà fait appel l’an dernier aux compétences scientifiques de Cuba et à plusieurs milliers de ses médecins, envoyés dans les régions deshéritées du nord et du nord-est du pays.

CMA-CGM s’implante sur la zone franche

Jouxtant le port (qui sera géré par l’entreprise PSA International, de Singapour), une zone franche de 4600 hectares, la ZEDM (pour Zona Especial de Desarollo Mariel) doit accueillir les investisseurs étrangers, avec base logistique, autoroute et voie ferrée. Cuba cible les entreprises de haute technologie, notamment dans l’agro-industrie, les biotechnologies et l’informatique. Au total, pour redonner de l’oxygène à l’économie, l’île espère attirer 3 milliards de dollars d‘IDE par an. Elle compte pour cela non seulement sur les avantages fiscaux de la ZEDM (exonération de l’IS pendant 10 ans), mais aussi sur la loi sur les investissements étrangers votée il y a un an (qui permet pour la première fois aux capitaux étrangers de s’investir sans passer par une joint-venture).

Selon la direction de la ZEDM, les propositions affluent, notamment en provenance d’Amérique latine. Pour sa part, le groupe français CMA-CGM, qui escale sur l’île depuis 2000, a profité de la visite de François Hollande le 11 mai dernier pour signer « un accord sans précédent » portant sur la gestion et le développement d’une plateforme logistique de 17 hectares dans la zone franche, en partenariat avec AUSA, première société logistique cubaine. Cette plateforme comprendra 1000 m2 d’entrepôts et  5000 m3 de chambres froides. Si l’accord se concrétise _  il s’agit pour le moment d’une lettre d’intention _ CMA-CGM LOG, filiale logistique de l’armateur,  y gérera le dégroupage et la distribution des marchandises sur l’île, le stockage de marchandises à l’import et à l’export,  la distribution des conteneurs pleins et le stockage des conteneurs pleins et vides.