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Un second mandat en perspective pour Cristina Kirchner

Nestor et Cristina Kirchner en 2007
Nestor et Cristina Kirchner en 2007

La présidente argentine, qui a succédé en 2007 à son mari Nestor Kirchner (décédé l’an dernier), a récolté plus de 50% des voix lors des primaires qui se sont tenues le 14 août. Sauf revirement très improbable de l’opinion, sa réélection lors de la présidentielle du 23 octobre 2011 semble acquise, sans doute même dès le premier tour.


Pour le moment, rien ni personne ne semble pouvoir s’opposer à une réélection facile de la présidente actuelle de l’Argentine, Cristina Fernandez de Kirchner, lors des élections générales du 23 octobre prochain. C’est la conclusion la plus évidente des primaires qui se sont tenues dans le pays le 14 août dernier, lors desquelles « CFK » a obtenu 50,07% des suffrages avec environ 10 millions de voix. Soit beaucoup plus que les trois suivants, Ricardo Alfonsin (social-démocrate, fils de l’ancien président Raul Alfonsin, 12,17%), Eduardo Duhalde (ex-président péroniste de centre droit, 12,16%), et le gouverneur socialiste de la province de Santa Fe, Hermes Binner (10,26%). La présidente, péroniste de gauche, a remporté 23 des 24 districts électoraux du pays, sauf celui de San Luis, gouverné par Alberto Rodriguez Saa, qui totalise 8,1% des suffrages aux primaires. A moins d’un revirement brutal, la voie semble donc dégagée pour une réélection de Cristina Kirchner dès le premier tour (1), comme en 2007 où elle avait succédé à son mari Nestor, décédé l’an dernier.

Ce résultat apparait d’autant plus comme un test grandeur nature de la présidentielle que la participation (certes obligatoire) a été très forte, à près de 78%, soit plus que lors de la dernière élection présidentielle. Organisées pour la première fois dans le pays conformément à une nouvelle loi électorale de 2009, ces primaires étaient censées dégager un peu le terrain avant la présidentielle : chaque formation politique ne pouvait présenter qu’un candidat, et seuls ceux qui auront obtenu au moins 1,5% des voix pourront se présenter le 23 octobre. Elles ont aussi servi à désigner les candidats aux législatives qui se tiendront le même jour.

Une opposition divisée

Mais surtout, elles ont montré que l’union sacrée qui avait permis à l’opposition de remporter les législatives de 2009, avait bel et bien volé en éclats, avec la rupture de deux alliances stratégiques : celle entre les tenants de deux courants dissidents du péronisme, Duhalde et Rodriguez Saa, et celle entre Hermes Binner et Ricardo Alfonsin. Quant à la députée de centre gauche Elisa Carrio, arrivée deuxième lors de l’élection de 2007, elle semble avoir déjà jeté l’éponge après un score confidentiel aux primaires. En outre, le fait que le numéro deux Alfonsin ne devance Duhalde que de 3000 voix, rend très faible la probabilité que l’un se désiste en faveur de l’autre lors de la présidentielle. « L’opposition est très fragmentée et ne présente pas de projet crédible », constate Mariel Fornoni, analyste politique pour l’institut Management & Fit .

Cela dit, l’actuelle présidente ne doit pas tout aux dérives de l’opposition. Sa popularité est aussi une réponse à la situation économique enviable de la deuxième puissance latino-américaine : redressement spectaculaire du pays après son défaut en 2002 (durant le mandat de son mari entre 2003 et 2007), avec une croissance de 8 % par an en moyenne (sauf en 2009) et de 9,1% l’an dernier, attestant d’une reprise rapide après la crise mondiale de 2008. Une croissance certes dopée par les cours des matières premières agricoles (plus de la moitié des exportations), mais aussi par le redémarrage de l’industrie (automobile, sidérurgie et agro-industrie) et la reconstitution d’une classe moyenne. L’Argentine a d’autre part restructuré l’essentiel de sa dette publique (45% du PIB en 2010) avec le remboursement en 2005 des 9,5 milliards de dollars qu’elle devait au FMI, et un accord l’an dernier sur sa dette privée (holdouts). Les négociations avec le Club de Paris sont en revanche toujours en cours, ce qui lui interdit de fait l’accès aux marchés financiers internationaux.

Selon un sondage de l’institut Aresco, 63% des personnes interrogées expliquent leur vote aux primaires par la bonne santé de l’économie. Ce bilan, couplé à un cocktail de mesures sociales teintées d’autoritarisme et d’hétérodoxie économique, est la marque des Kirchner, le fameux « système K ».

Mais l’économie n’explique pas tout non plus, d’autant qu’il y a encore un an, la cote de la présidente argentine était au plus bas. Le rebond se sa popularité est intervenu juste après la mort soudaine, en octobre 2010, de son mari Nestor, avec lequel elle formait un couple fusionnel. Unis par une même ambition, ils ont gravi ensemble toutes les marches vers le pouvoir depuis leurs débuts en Patagonie. Nestor Kirchner, l’homme fort du péronisme, est considéré par une partie de l’opinion comme le sauveur du pays. Après avoir porté sa femme au pouvoir en 2007, il continuait, estiment de nombreux observateurs, de gouverner dans l’ombre.

Privée de ce soutien, «Cristina » aurait donc dû s’effondrer, selon les pronostics de ses détracteurs. C’est le contraire qui s’est produit. La douleur et la dignité de cette élégante veuve de 58 ans désormais toujours vêtue de noir (mais aussi femme politique très aguerrie), a manifestement ému une grand partie du peuple argentin, et fait remonter sa cote en flèche. Oubliée, apparemment, la très dure révolte du campo qui, en 2008, avait ébranlé le pouvoir Kirchner après leur décision d’augmenter les « retenciones » (taxes à l’exportation) sur les céréales. Oubliés aussi _ pour le moment_ les informations sur l’accroissement phénoménal du patrimoine des Kirchner depuis 2002, ou leurs intimidations à l’égard de la presse d’opposition, Clarin en tête. Même la dérive de l’inflation et le maquillage des chiffres dont le gouvernement est accusé de façon récurrente _ officiellement de 10%, la hausse des prix atteindrait 25% selon la plupart des experts indépendants_ ne semble plus menacer la marche de CFK vers un deuxième mandat.

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(1) Pour être élue au premier tour, elle doit obtenir plus de 45% des voix ou plus de 40% avec 10% d’avance sur le deuxième.