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Sebastián Sepúlveda : parler de la dictature autrement

Digna Quispé, nièce des vraies soeurs Quispé, joue dans le film.
Digna Quispé, nièce des vraies soeurs Quispé, joue dans le film.

VIDEO. Le réalisateur chilien, dont le film « Les Sœurs Quispé » est sorti début juin en France, évoque dans une interview à Latina-eco les raisons pour lesquelles il s’est intéressé à ce fait divers, mais aussi ses relations compliquées de fils d’exilés politiques avec l’histoire de son pays et avec le cinéma chilien actuel.

« Une approche documentaire mais une fiction totale ». Ainsi le jeune réalisateur chilien Sebastian Sepulveda définit-il son très beau film « Les Sœurs Quispé », sur les écrans français depuis le 4 juin. Salué par la critique, récompensé par plusieurs prix, ce premier long-métrage de fiction est un objet de cinéma brut, radical et austère (musique quasi absente, rares dialogues), mais étrangement séduisant. Le scénario est inspiré d’un fait divers survenu en 1974 : trois bergères, Indiennes Coyas de 43 à 60 ans, vivant sur l’Altiplano chilien dans un isolement et un dénuement extrêmes, apprennent un jour par un colporteur qu’une nouvelle loi (imposée par Pinochet) interdit désormais l’élevage de chèvres (1) . Cette nouvelle, qui remet en cause leur mode de vie ancestral, déclenche chez ces trois femmes rudes et taiseuses un désarroi et une crise existentielle qui se terminera tragiquement.
Le réalisateur a partagé quelques semaines la vie _ inchangée _des deux seules familles Coyas vivant encore sur les hautes plaines arides de l’ Altiplano. Il y a retrouvé la nièce des soeurs Quispe, qui est la dernière à les avoir vues en vie. C’est elle qui joue, magnifiquement et a minima, la soeur ainée, tout comme le colporteur est joué par un membre de l’autre famille Coya.

Sortie au Chili le 11 septembre prochain

« Le coup d’Etat a toujours été raconté de manière frontale. Me pencher sur ce fait divers m’a permis d’aborder la dictature sous un angle différent », explique le réalisateur. Un choix étonnant pour ce réalisateur de 42 ans qui a grandi en exil, au Venezuela surtout , mais aussi en France, en Argentine, en Espagne et à Cuba. Passé par la fac d’histoire au Chili et par la FEMIS à Paris, scénariste, monteur et auteur d’un long métrage documentaire « El Arenal », il est aujourd’hui proche de la société de production Fabula de Pablo Larrain, vivier du jeune cinéma chilien .
« Les Sœurs Quispé » sortira au Chili le 11 septembre prochain, 41 ans après le putsch de Pinochet. «On trouvait intéressant d’apporter à la discussion, lors de cet anniversaire, l’éclairage de ce fait divers ». Rencontre avec Sebastian Sepulveda à Paris, dans un café proche de Bastille :

Propos recueillis par Anne Denis

(1) La loi de l’érosion est l’une des nombreuses lois arbitraires que la dictature militaire a instaurée à son arrivée au pouvoir. L’interdiction d’élever des chèvres sur ces hautes plaines (officiellement pour protéger les sols) apparait particulièrement absurde. Elle servait surtout à mettre au pas ces populations isolées et marginales, donc incontrôlables qui, de surcroit, pouvaient aider des opposants à franchir la frontière, comme on le voit dans le film.