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La Colombie se bat pour intéresser les investisseurs étrangers

Bogota, quartier du Palais de La Moneda.      Photo latina-eco
Bogota, quartier du Palais de La Moneda. Photo latina-eco

Rendre la Colombie attractive grâce à l’amélioration de la sécurité dans le pays, c’était le pari du gouvernement d’Alvaro Uribe qui a lancé un plan national dans ce sens ces dernières années, misant notamment sur la France. Son successeur devra reprendre le flambeau.  

« Réduire le fossé entre l’image du pays et la réalité ». La classe politique et les milieux d’affaires colombiens répètent ce leitmotiv comme une obsession : il faut convaincre l’opinion et les investisseurs étrangers que le pays , synonyme pendant près de 30 ans de violence et de narcotrafic, a changé lorsque le président Alvaro Uribe, au pouvoir depuis 2002, a engagé une lutte sans merci avec la guerilla. Aujourd’hui, c’est un fait, les villes et les routes d’une bonne partie du pays sont plus sûres même si cette politique sécuritaire ne va pas sans dérives et polémiques.

De nombreuses entreprises étrangères dont une centaine françaises (Casino, Carrefour, Renault, Michelin, Saint Gobain, Danone…) sont déjà  présentes sur ce marché de 44 millions d’habitants, adepte du libre échange. « Mais depuis la libération d’Ingrid Betancourt, la perception du pays s’est vraiment améliorée, spécialement en France », se réjouit Juan Carlos Gonzales, vice président de Proexport, agence publique chargée de promouvoir les exportations et d’attirer les investissements étrangers (IDE). Dans le tourisme, l’évolution est sensible. Les croisiéristes qui évitaient la Colombie, s’arrêtent désormais à Carthagène, sur la côte Caraïbe ; le nombre de visiteurs étrangers a retrouvé son niveau des années 70 (1,5 million), les investissements ont augmenté en 2009 de 9%. Accor, qui gère déjà 2 Sofitel et un Mercure dans le pays, a ainsi entamé la construction d’un Ibis à Bogota et veut en construire un autre à Medellin…

Mais le gouvernement veut aller plus loin. D’abord en vantant la résistance à la crise de la cinquième économie latino-américaine: après dix ans de croissance, le PIB n’a reculé que de 0,5% en 2009 et doit regrimper en 2010 de quelque 3%. Juan Carlos Gonzales invoque aussi la stabilité du cadre légal  et les accords de libre échange en attente de ratification, notamment avec les Etats-Unis, le Canada ou l’Union européenne, ce dernier pouvant, selon lui, aboutir très vite. « En 2009, les investissements dans le monde ont reculé de 40%, contre seulement 9,6% chez nous, souligne-t-il. En 5 ans, les exportations ont triplé et les IDE ont quintuplé à 10,6 milliards de dollars en 2008, soit 5% du PIB. Et ils ont atteint 9 milliards en 2009, malgré la crise».

Pour diversifier une économie encore dominée par les matières premières  (pétrole, café, bananes, fleurs… ), le gouvernement Uribe a lancé un plan national de grande ampleur. « Le facteur essentiel, c’est la confiance, martèle Ricardo Duarte, vice-ministre de l’Industrie. Avec la consolidation de la démocratie et le retour de la sécurité, la confiance va revenir, les investissements et avec, une meilleure cohésion sociale ».
Première étape, la multiplication des zones franches. Elles sont 66, dont  55 créées depuis 2007, et plutôt attractives : un taux d’imposition de 15% pendant 20 ans (au lieu de 33%), pas de taxe sur les importations. En outre, depuis 2007, une entreprise seule peut se constituer en zone franche. L’effet d’entraînement est réel. Les Espagnols Telefonica , BBVA ou Endesa, le japonais Toyota ont renforcé leurs implantations. Mais c’est Siemens qui a réalisé l’investissement le plus important _ 100 millions de dollars, 215 emplois _ dans une usine ouverte fin 2009 à Tenjo, non loin de la capitale.

En tout, en 3 ans, 93.000 emplois indirects ont été créés. Un élément important dans un pays où le taux de chômage avoisine les 12% et où les inégalités sont immenses.

Secondo, le gouvernement a sélectionné 12 secteurs capables d’acquérir une « dimension mondiale ».  Certains sont matures comme l’automobile, le textile ou l’hydroélectricité (domaine où la Colombie est déjà puissante via sa compagnie publique ISA) ;  d’autres sont émergents (high tech, tourisme médical, call centers, produits cosmétiques) ou agricoles (biocarburants, forêt). Ricardo Duarte explique que l’Etat est prêt, pour chacun de ces « busines plans » sectoriels,  à faire les efforts nécessaires en termes d’infrastructures, de législation, d’amélioration de la compétitivité etc, pour faciliter la vie des investisseurs, ce en collaboration étroite avec le patronat local et les 32 départements.

«Dans tous ces domaines, la France a beaucoup de compétences », insiste Ricardo Duarte. Mais il ne cache pas que la Colombie courtise aussi les Chinois (ils ont remporté l’appel d’offres pour l’aéroport de Medellin), l’Inde, les pays du Golfe…

Aujourd’hui, beaucoup ont pris conscience du potentiel de la Colombie. Les plaines de l’Est du pays, qui furent longtemps aux mains des guerillas, sont clairement sous exploitées. Idem pour le pétrole : la production n’est que de 700.000 barils par jour, mais elle pourrait considérablement progresser : seuls 3% du territoire est sous concessions, dont moins du tiers sont exploitées… Malgré tout, l’éradication de la corruption et de la violence reste à achever.  : l’enlèvement et l’assassinat par les Farc, fin décembre 2009, du gouverneur de la province de Caqueta l’a brutalement rappelé à tous les Colombiens. Ce sera au successeur d’Alvaro Uribe de poursuivre cette tâche.

ANNE DENIS à  Bogota