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José Mujica veut légaliser la production et la vente de cannabis.

Jose Mujica, président de l'Uruguay
Jose Mujica, président de l'Uruguay

Le président de l’Uruguay va soumettre au Congrès un projet de loi légalisant le cannabis. Objectif : enrayer la flambée des homicides, phénomène nouveau dans le pays. Cette initiative sans précédent fait écho à la volonté de nombreux chefs d’état latino-américains de tous bords politiques de chercher d’autres solutions que la répression armée pour lutter contre les narcotrafiquants. »


« Nous pensons que l’interdiction de certaines drogues cause plus de problèmes à la société que la drogue elle-même (…) avec des conséquences désastreuses« , a déclaré le 20 juin 2012 le ministre uruguayen de la Défense Eleuterio Fernandez Huidobro. Le président de l’Uruguay José Mujica va en effet soumettre au Congrès un projet de loi pour légaliser la production et la vente de cannabis (la consommation est déjà autorisée). L’objectif est d’orienter les toxicomanes vers une drogue considérée comme moins dévastatrice que la pâte base de cocaïne, drogue bon marché qui fait des ravages chez les moins favorisés. L’Etat entend recenser les acheteurs, et contrôler ainsi leur consommation. Selon Eleuterio Fernández Huidobro, le marché interne de marijuana représente aujourd’hui un commerce illicite de 75 millions de dollars par an.

Cette initiative sans précédent, déjà très controversée dans le pays et chez ses voisins d’Amérique latine, entend répondre à une forte hausse du nombre d’homicides en Uruguay (133 entre janvier et mai, soit 70% de plus qu’il y a un an) imputé à l’explosion du narcotrafic dans le pays. Le texte peut être voté malgré le refus de l’opposition, s’il obtient l’adhésion de tous les parlementaires du « Frente Amplio », parti de gauche au pouvoir.

Mais l’Uruguay entend aussi promouvoir une telle mesure au niveau mondial. Or, « Pepe » Mujica, ex-guerillero des Tupamaros, n’est pas le seul chef d’Etat latino-américain engagé dans cette réflexion. L’actuel président du Guatemala, Otto Pérez, a déjà évoqué la dépénalisation dans son pays. Trois ex présidents _ le Brésilien Fernando Henrique Cardoso, le Colombien César Gaviria et le Mexicain Ernesto Zedillo _ ont proposé que les Etats soient chargés de réguler la consommation. En 2011, dans une interview au magazine « Semana », le président colombien Juan Manuel Santos, pourtant de droite, avait surpris tout le monde en déclarant que l’«on pouvait réfléchir à la légalisation de la consommation de drogues illicites». «Si le monde décide de légaliser en pensant que cela peut réduire sensiblement la violence et le nombre de victimes, alors je pourrais aller dans la même direction », avait-il affirmé, ajoutant même quelques mois plus tard :« J’irais jusqu’à légaliser la cocaïne si l’on pouvait obtenir un consensus de la communauté internationale ». Il critique en revanche les initiatives individuelles comme celle de José Mujica, craignant que cela ne déstabilise la région.

Echec de la guerre contre les cartels

En tout cas, la plupart des grands pays producteurs d’Amérique latine ont déjà fait le constat que la guerre contre le narcotrafic (qui a fait plus de 60.000 morts au Mexique en 6 ans, et quelque 20.000 en Amérique centrale pour la seule année 2011) était un échec et qu’il fallait essayer autre chose que les mesures prohibitives. C’est le message qui a été délivré au dernier sommet des Amériques à Carthagène, le 14 avril dernier. Même si celui-ci ne s’est conclu par aucune déclaration finale, en raison du refus du président américain Obama de réintrégrer Cuba dans l’OEA (Organisation des Etats Américains) dont il a été exclu en 1961. Réintégration désormais exigée par tous les pays du sous-continent. Lors de ce sommet, les dirigeants latino-américains ont d’ailleurs critiqué l’inefficacité du programme de lutte contre la drogue financé par les Etats-Unis, qui a déjà coûté depuis 2000 quelque 8 milliards de dollars .