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Peña Nieto annonce puis annule l’attribution du TGV Mexico-Queretaro à un opérateur chinois

Le TGV chinois sur la ligne Pékin-Canton inaugurée fin 2012
Le TGV chinois sur la ligne Pékin-Canton inaugurée fin 2012

Le président mexicain Enrique Peña Nieto a décidé d’annuler l’attribution, annoncée quelques jours plus tôt de la construction de sa première ligne à grande vitesse (LGV) à un consortium chinois et de relancer la procédure d’appels d’offres. Un revirement qui n’est pas étranger à un nouveau scandale de corruption menaçant le couple Peña Nieto.

 

C’est ce qui s’appelle un revirement à grande vitesse. Lundi 3 novembre, l’exécutif mexicain annonçait que le chantier de construction de la LGV (ligne ferroviaire à grande vitesse) de 210 km, devant relier la capitale Mexico et la ville de Queretaro, était attribué à un consortium mené par le constructeur de trains chinois CSR, grand opérateur ferroviaire du sud de la Chine (qui va par ailleurs fusionner avec son grand rival du Nord, CNR). Une décision lourde d’enjeux et de symboles puisque cette ligne de TGV, la première au Mexique, devait aussi être la première en Amérique latine.
Et pourtant, trois jours plus tard, Mexico s’est rétracté : le ministre de la Communication et des Transports Gerardo Ruiz Esparza, l’a déclaré jeudi soir sur Televisa : «Le président de la République a pris il y a quelques instants la décision de révoquer la décision du 3 novembre et de reprendre la procédure d’appel d’offres ». Le timing de cette volte-face est d’autant plus déroutant qu’il intervient juste avant un déplacement du président mexicain en Chine ces 10 et 11 novembres, pour participer au sommet annuel de l’Apec (Coopération économique pour l’Asie-Pacifique) à Pékin, sommet qui sera suivi d’une visite d’Etat, a priori maintenue.
L’objectif officiel est de prendre plus de temps pour « permettre la possible participation d’un plus grand nombre de fabricants de trains ». Ce qui ne sera pas difficile puisque le groupe chinois, associé aux sociétés mexicaines Prodemex, Constructora y Edificadora Gia, Constructora Teya et GHP Infraestructura Mexicana, était le seul en lice. Le gouvernement tablait en effet sur un début des travaux en décembre pour une mise en service en 2017. Exigences qui ont dissuadé les grandes entreprises du secteur Alstom, Bombardier ou Siemens de déposer une offre avant la date butoir du 15 octobre, jugeant les délais trop courts. Le projet, d’un montant estimé à 50,8 milliards de pesos (3,76 milliards de dollars), comprend la construction de la voie ferrée, l’achat d’équipements et de voitures et la maintenance des trains. Avec pour objectif de transporter 23.000 passagers par jour.

Pour justifier ce revirement, le ministère des Transports a aussi évoqué « les doutes et des inquiétudes qui ont surgi dans l’opinion publique », ainsi que le souci de «renforcer l’absolue clarté, légitimité et transparence de l’appel d’offres ». Il faut dire que le patron de l’une des entreprises mexicaines du consortium serait aussi le propriétaire de la somptueuse résidence privée des Peña Nieto (d’une valeur de 7 millions de dollars), selon les révélations d’un journal local, ce qui rend ce méga projet hautement suspect pour une population de plus en plus exaspérée par la corruption et l’impunité de ses élites.

Alors que le pays est secoué par la disparition macabre de 43 étudiants,
le président Enrique Peña Nieto marche sur des œufs. Sa popularité s’est effondrée depuis son élection en 2012. Selon l’institut américain Pew Research, 60% des Mexicains désapprouvent sa stratégie économique, contre 46% l’an dernier. Le pays ne devrait enregistrer qu’une croissance de 2,2% en 2014, selon Natixis, qui souligne que les réformes engagées (dont l’emblématique réforme de l’énergie) mettront du temps à se concrétiser.
Or, dans ce contexte de dégradation de l’économie et de colère face à la corruption et à la violence, la construction coûteuse d’un TGV entre la capitale et une ville industrielle très privilégiée comme Querétaro (où se développe notamment un ambitieux complexe aéronautique) peut apparaître à l’opinion comme tout sauf prioritaire et peut surtout être jugée suspecte d’être bouclée aussi précipitamment.

Les TGV , projets de prestige pour les présidents 

Ce n’est pas le premier projet de ligne ferroviaire à grande vitesse à être ainsi reporté en Amérique latine. En 2007, l’Argentine de Nestor Kirchner, en plein rebond voulait, elle aussi, son TGV,  et les négociations avec Alstom pour la construction d’une ligne entre Buenos Aires et Rosario étaient très avancées.
Mais le projet, très cher, a suscité de nombreuses critiques dans l’opinion,  et même de la part de l’ancien ministre de l’Economie du président Kirchner , Roberto Lavagna, qui s’y est farouchement opposé.
Le projet a finalement été reporté puis abandonné. La LGV mexicaine elle, n’est que différée, pour le moment. Reste à savoir commet la Chine, très impatiente d’exporter sa technologie, prendra la nouvelle.