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Enchères pétrolières : le Brésil engrange 1,4 milliard de dollars

La compagnie brésilienne  Petrobras au coeur d'un vaste scandale  de corruption
La compagnie brésilienne Petrobras au coeur d'un vaste scandale de corruption

Les enchères lancées le 14 mai dernier ont rapporté un montant supérieur aux attentes. Une bonne nouvelle pour le Brésil, dont la production de pétrole a baissé, pour Petrobras dont les comptes se sont dégradés et pour le Français Total qui a su tirer son épingle du jeu.

 
Les enchères lancées mardi 14 mai au Brésil pour 289 blocs pétroliers, terrestres et maritimes situées, pour certains, dans des bassins bien connus comme Potiguar (Etat de Ceara) mais surtout, pour la plupart, dans la fameuse « nouvelle frontière » du nord et du nord est du pays, quasi inexplorés, ont été un succès. Quelque 64 entreprises de 21 pays ont candidaté et, selon l’Agence nationale du pétrole (ANP), ces 11èmes enchères ont rapporté 2,8 milliards de réais (soit 1,4 milliard de dollars), un montant record, supérieur au précédent record de 2007 (2,1 milliards de réais). Seuls 142 blocs proposés ont été vendus, les autres n’ont pas été attribués.

Au sein des blocs proposés, 166 sont offshore (dont 72 en eaux profondes) et 123 sur terre, soit une surface totale de 155.800 kilomètres carrés. Les blocs les plus disputés se trouvaient naturellement dans la « nouvelle frontière » du nord en Amazonie : 7,5 milliards de barils sont en jeu. Ceux, terrestres, de Parnaiba et surtout ceux, en eaux peu profondes, de Foz do Amazonas et Barreirinhas ont rapporté à eux seuls 850 millions de dollars. Les blocs de Foz do Amazonas ont été remportés notamment _ outre la compagnie nationale Petrobras _ par le brésilien OGX du milliardaire Eike Batista et des majors étrangères comme le français Total, l’anglo-néerlandais BP, le portugais Galp Energia ou BHP Billiton. «Le delta de l’Amazone doit être exploité plus en profondeur et, en direction de la Guyane française, les opportunités d’exploitation sont devenues plus faciles. Mais dans cette zone, les courants sont forts et nous avons besoin d’entreprises hautement qualifiées», a reconnu l’ANP.

L’investissement minimum exigé pour les 5 à 8 premières années d’exploitation est de 1,5 milliard de dollars. Sur ces blocs, les contrats prévoient que les investisseurs prennent en charge tous les risques et reversent des royalties à l’Etat (les blocs présalifères avaient fait en 2010 l’objet d’une loi imposant Petrobras comme seul opérateur avec une participation de 30%).

La perspective de voir les forages pétroliers se multiplier en Amazonie risque de susciter de fortes résistances de la part des populations locales. De son côté, le syndicat Sindipetro crie au bradage des ressources naturelles aux multinationales. Mais du point de vue du gouvernement, qui fait face à une croissance redevenue modeste, ces adjudications constituent une très bonne nouvelle. Elles relancent le secteur, 5 ans après la découverte des immenses réserves « pré sal » en eaux très profondes au large des États de Rio de Janeiro, Sao Paulo et Espirito Santo (sud-est), estimées à 35 à 40 milliards de barils. Lula s’était alors écrié : « Dieu est brésilien ! ». Mais le pays, peut-être tétanisé par l’ampleur de la manne qui doit faire de lui, à terme, l’un des premiers producteurs mondiaux de brut, et divisé sur sa répartition (entre Etats brésiliens pétroliers et les autres, entre compagnies étrangères et compagnie nationale) a longtemps tergiversé. Aujourd’hui, il a d’autant plus intérêt à combler le retard que la production de pétrole décline au Brésil (moins de 2,4 millions de barils en 2012) dans les gisements matures du bassin de Campos.

Petrobras, entreprise star au moment de la découverte des gisements pré sal _ avec le lancement d’un programme gigantesque d’investissements de plus de 235 milliards de dollars et une spectaculaire entrée en Bourse _ traverse aujourd’hui quelques difficultés. La limitation de la hausse des carburants par Brasilia, qui surveille l’inflation comme le lait sur le feu, bride ses recettes. Sa dette frôle les 75 milliards de dollars. La montée en puissance de l’exploitation des nouveaux gisements assainira les comptes à terme mais, en attendant, le Brésil a besoin des investissements internationaux et le reconnait avec pragmatisme.

Total s’empare de 10 blocs

Selon l’ANP, 11 opérateurs étrangers sont déjà présents, et leur nombre devrait croitre. L’espagnol Repsol, déjà très impliqué, va monter en puissance via son alliance avec le chinois Sinopec auquel il a cédé, en 2010, 40% de sa branche brésilienne. Tous deux ont des projets communs dans le pays dont le montant s’élève à quelque 17,8 milliards de dollars.

Total fait, lui, son grand retour au Brésil avec ces enchères. Il a remporté 10 blocs sur les 142 vendus. En Amazonie, où il compte investir 130 millions d’euros, il sera l’opérateur (40%) dans cinq blocs du bassin de la Foz do Amazonas et dans un bloc du bassin du Ceara (45%) , associé à BP (qui a récupéré 8 blocs) et à Petrobras. Dans le bassin d’Espirito Santo, il a acquis une participation de 25 % dans trois blocs (associé à Statoil) et de 50 % dans un bloc du bassin de Barreirinhas.

Le groupe français est longtemps resté attentiste après une première implantation dans les années 90, et n’a recommencé à investir dans le pays qu’après la découverte des gisements pré sal. Il a alors mis les bouchées doubles et acquis des permis dans les bassins concernés. Notamment celui de Campos où il est devenu en juillet dernier opérateur du champ de Xerelete (découvert en 2001 à 250 km des côtes de Rio et à 2400 mètres de profondeur). En fait, Petrobras lui a transféré la conduite des opérations « suite à une décision unanime des partenaires, qui a reçu l’aval des autorités brésiliennes », précise Total dans son communiqué. Les deux compagnies détiennent chacune 41,2 % de la concession et BP les 17,6 % restants. Le forage doit débuter cette année.