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Barrages au Brésil: GDF Suez veut être associé aux programmes environnementaux

Yves-Louis Darricarrère pdt de Total Exploration et Gérard Mestrallet, pdg de GDFSuez
Yves-Louis Darricarrère pdt de Total Exploration et Gérard Mestrallet, pdg de GDFSuez

Pour l’énergéticien français, qui participe à la construction de deux mégacentrales hydroélectriques, le Brésil est un marché clé, a expliqué Gérard Mestrallet, pdg de GDF Suez, lors d’un séminaire sur le Brésil à Paris. Mais il reproche à Brasilia d’empiler les clauses environnementales, une fois fixé le prix de l’électricité. Ces barrages sont pourtant de plus en plus controversés.


Gérard Mestrallet était l’un des patrons invités à s’exprimer lors du deuxième séminaire sur le Brésil qui s’est tenu à Paris le 7 juillet dernier, à l’initiative de «The Economist ». Le pdg du groupe d’énergie français GDF Suez co préside le groupe de haut niveau Brésil France (1), qui doit rendre ses conclusions avant la fin de l’année. Il s’est employé à souligner l’aspect stratégique du marché brésilien pour le groupe, non seulement en raison de la forte croissance du pays, mais aussi parce que «près de 70% des 700 milliards d’euros du nouveau PAC [plan d’accélération de la croissance], soit 483 milliards, sont consacrés à l’énergie : à l’exploration des nouveaux gisements pétroliers off shore, mais aussi à notre spécialité, l’électricité ».

GDF Suez, a-t-il précisé, aura construit en tout dans le pays ces dernières années pour quelque 12000 MegaWatts, (soit l’équivalent de 12 centrales nucléaires) via sa filiale Tractebel Energia qui regroupe ses activités au Brésil. « Depuis 6 ans, nous sommes le groupe qui a le plus contribué à l’augmentation de la capacité électrique du pays». Le groupe doit inaugurer en fin d’année le barrage Estreito (1000 Mw), sur le fleuve Tocantins, qu’il a construit dans le cadre d’un consortium dont il détient 40,07%, aux côtés de Vale (30%), Alcoa (25,49%) et Camargo Correa (4,4%). Il construit également, via le consortium ESBR, un autre barrage, à Jirau, sur le fleuve Madeira, «4 fois plus grand, dont le coût sera de 6 milliards de dollars».

Autre motif de satisfaction du patron français : « le cadre juridique stable ». Un cadre établi par l’actuelle présidente Dilma Rousseff, du temps où elle était ministre de l’Energie de l’Etat Grande do Sul puis au niveau fédéral. «Le gouvernement identifie les besoins, fait une présélection des consortiums et choisit en fonction d’un seul paramètre : le prix de l’électricité. C’est un dispositif très transparent, très clair, que nous aimerions avoir en Europe», souligne Gérard Mestrallet. La totalité de la production peut ensuite être vendue sur une durée de 30 à 40 ans, au prix préfixé garanti, «une motivation très forte pour l’opérateur», ajoute-t-il.

Mais il y a quelques bémols. «Si l’on veut continuer de construire de grands barrages comme celui-là, nous sommes conscients qu’il faudra davantage prendre en compte les contraintes sociales et environnementales, admet Gérard Mestrallet. A condition, ajoute-t-il, de le faire AVANT la fixation du prix de l’électricité pour 35 ans». Or, selon lui, les agences environnementales brésiliennes rajoutent des contraintes après la fixation du prix du kWh, qui alourdissent le coût final du projet. «Par exemple, pour Jirau, 32 clauses sociales et environnementales ont été rajoutées après coup, représentant un coût de 600 millions d’euros, soit 10% du prix total du projet. Nous somme d’accord sur le principe mais nous aurions préféré le savoir avant d’enchérir. Nous avons besoin de prédictibilité sur les coûts, le terme et l’envergure des programmes socio-environnementaux».

Une objection certes difficilement contestable du point de vue de l’entrepreneur mais qui révèle à quel point ces grandes centrales hydroélectriques d’Amazonie voulues par des gouvernements Lula puis Dilma très déterminés, sont de plus en plus controversées. Leurs graves nuisances sur l’environnement provoquent de véritables réactions de révolte de la part des populations locales, mais aussi d’organisations écologistes de plus en plus nombreuses. A Jirau précisément, l’un des plus grands projets hydroélectriques du sous-continent, GDF Suez est en butte à une contestation qui ne faiblit pas, d’où sans doute les contraintes rajoutées à posteriori par les autorités, en guise de concessions aux opposants. Gérard Mestrallet reconnait d’ailleurs que «les fleuves faciles sont déjà exploités », non sans arguer que les constructeurs essaient de bâtir désormais des barrages « run of the river », qui ne prévoient plus de grands réservoirs noyant des régions entières.

« Il faut bien sur protéger les populations isolées qui vivent le long des fleuves. Nous voulons juste être associés en amont à ces programmes, pour être en mesure de fixer le coût final, qui est non seulement celui de la construction, mais aussi celui de tous ces programmes environnementaux ».

La révolte ne vient cependant plus seulement des populations isolées. Une part désormais moins marginale de la société rejette ces projets gigantesques _ même s’ils sont sources d’énergie renouvelable à grande échelle _ qui entrainent déforestation, perturbation de la biodiversité des fleuves et menacent plus globalement l’équilibre des écosystèmes. La contestation concerne, au Brésil, des projets comme Jirau ou l’emblématique Belo Monte, mais elle monte également au Pérou et au Chili.

 

(1) créé dans le cadre du partenariat stratégique signé par les présidents Lula et Sarkozy à Brasilia fin décembre 2008, et co-présidé par Gérard Mestrallet, pdg de GDF-Suez et José Grubisich, président de ETH, filiale de Odebrecht. Il regroupe une vingtaine d’entreprises françaises (Bonduelle, Saint-Gobain, Rhodia, EADS, Alstom, Bull, Areva, GDF Suez, Accor, Louis-Dreyfus, Sanofi) et brésiliennes (Vale, Light, Sindipeças, Embraer, Itau BBA, ETH, GV Agro,Positivo, Alpargatas).