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Quelques atouts connus et moins connus du marché colombien

Le siège d'EPM à Medellin.
Photo Latina-eco
Le siège d'EPM à Medellin. Photo Latina-eco

En quelques années, la Colombie s’est imposée parmi les pays émergents de classe moyenne qui retiennent l’attention des investisseurs, grâce à la baisse de l’insécurité et à un climat propice aux affaires.

«Ici, les revenus ont été multipliés par trois en sept ans », s’exclame Gonzalo Restrepo, le patron de la filiale colombienne de Casino. « Nos ventes de téléviseurs, ordinateurs ou produits d’équipements de la maison augmentent d’ailleurs de 40 % par an », assène celui qui croit dur comme fer en la prospérité d’une classe moyenne représentant désormais la moitié de la population de ce pays de 45 millions d’habitants. Basé dans la région d’Antioquia qui est la plus entrepreneuriale du pays, il souligne que les ventes, par exemple, de petites motos chinoises montent en flèche. Les intérêts sur le crédit nécessaire pour cet achat sont équivalents au coût d’un abonnement aux transports en commun. Bref, Casino, entré en Colombie il y a douze ans, ne regrette pas d’être monté récemment à 60 % du capital de sa filiale. Fort de trois enseignes, dont une de discount pour les 37 % de Colombiens encore situés sous le seuil de pauvreté (le taux était de 50 % en 2005), Casino n’est pas le seul groupe français de grande distribution à miser sur ce pays qui postule désormais à l’entrée à l’OCDE (Organisation pour la coopération et le développement économique) Carrefour est aussi implanté en force, avec 75 magasins.

Gonzalo Restrepo attribue ce décollage économique au retour de la sécurité physique (les meurtres et kidnappings ont été divisés par trois depuis la contre-offensive sécuritaire lancée par l’ex président Uribe en 2002) mais aussi à un cadre juridique stable. D’ailleurs, innovation astucieuse, les entrepreneurs peuvent s’assurer contre tout alourdissement futur de la fiscalité, moyennant le paiement d’un ou deux points d’impôts supplémentaires.

La solidité du tissu industriel et bancaire est un autre élément déterminant de cette croissance, qui devrait atteindre encore 4,5 % en 2011 (et même 6 % en rythme annuel au troisième trimestre selon des données diffusées à la veille de Noël). Andrés Bernal Correa, patron de Suramericana, le principal groupe financier du pays, rappelle ainsi l’ampleur du «nettoyage » effectué après la crise bancaire de 1989, la seule année de récession enregistrée par le pays depuis 1930. Aujourd’hui, les banques colombiennes ont un taux de solvabilité de 9 %, supérieure à celui de leurs homologues européennes et les créances douteuses ne représentent que 2,6 % du total des prêts. Le secteur industriel est aussi solidement structuré autour de grandes entreprises diversifiées et liés par des participations croisées pour se défendre contre des OPA étrangères hostiles, suivant un schéma inventé par les Japonais, souligne Andres Bernal Correa. Ainsi, Suramericana, spécialisé dans la banque et l’assurance, est associé à Nutresa, dans l’alimentation, et à Argos, dans le ciment et l’énergie.

Essor du capital risque

L’économie mixte n’est pas en reste, à l’exemple de Empresas Públicas de Medellín (EPM), contrôlée par la municipalité de la deuxième ville du pays. Cette firme prestataire de services publics par gestion déléguée de la distribution d’énergie, de gaz, d’eau et de télécommunications, constitue aujourd’hui le deuxième conglomérat du pays et fonde son succès sur une « politique de marché pour des services sociaux », explique son directeur. EPM a réalisé l’an dernier des profits de 1 milliard de dollars sur un chiffre d’affaires de 6 milliards.

Ce dynamisme se reflète sur le marché boursier local, malgré la crise. Avec une hausse de 1300 % en dix ans, il a enregistré des gains sans équivalent au monde. Les IPO (introductions en Bourse) ont dépassé les 3 milliards de dollars cette année avec 4 opérations majeures et cinq autres sont «dans les tuyaux », souligne Juan Pablo Cordoba, directeur de la Bourse de Bogota. On assiste même au développement des activités de capital risque, un secteur inexistant il y a peu, souligne Umberto Etchegerry, patron de Promotora, leader de ce créneau.

Les entreprises françaises n’ont pas délaissé cette opportunité. Elles sont ici le quatrième investisseur étranger (derrière, notamment, les Etats Unis et le Mexique). Sodexo, Saint Gobain, Renault, Total, sont implantés de longue date, Seb vient d’arriver. Aucune entreprise française n’est repartie, même pendant les années sombres où on ne pouvait pas rejoindre Medellin par la route depuis Bogota sans risquer de se faire kidnapper.

Frédéric Lass, à Bogota